Ploufletter by Our Millennials Today

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Biais cognitifs et orientation

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Biais cognitifs et orientation

Cialdini, Zanetti & accent pourri

Apolline Rigaut
Jan 31, 2021
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Biais cognitifs et orientation

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Avec Our Millennials Today, on part à la rencontre d’étudiant·es et jeunes diplômé·es qui se sont jeté·es dans le grand bain du travail. On parle aussi éducation et orientation scolaire dans les Grandes Écoles. Athlète confirmé·e ou newbie en brassard, bienvenue 🎣


🐟 Avant le plongeon

« La vie c’est comme une boîte de chocolats, t’en as jamais assez et tu ne sais pas ce qu’elle te réserve » not Forest Gump

Coucou toi ! Comment ça va ? J’espère que tu arrives à trouver la motiv’ en ces jours frais pour aller faire quelques longueurs. De mon côté, je n’ai pas encore réussi à troquer mes birk fourrées pour la combi de natation (la frilosité tu connais), mais cela ne saurait tarder. J’ai profité de ce temps en intérieur pour faire quelques expérimentations contenu dont je te parlerai un peu plus loin.

Car oui, j’ADORE le contenu - pour celles et ceux qui me connaissent, ce n’est pas une surprise. Dans ma liste de loisirs, podcasts, newsletters & lectures en tout genre lié·es à cette thématique figurent en tête de liste (Si d’aventures tu veux en discuter, ma porte – numérique – est grande ouverte).

En ce moment, je lis Influence et Manipulation de Robert Cialdini, professeur à l’université d’Arizona. Pour résumer rapidement le livre, l’auteur y aborde divers biais cognitifs utilisés en marketing qui influencent (in)consciemment nos comportements de consommateur·rices. Si tu as la flemme – c’était clairement mon cas –, de nombreux résumés de ce livre existent. Marketing Mania en a fait une mini série ; et, si tu aimes les interventions clivantes, Germinal en parle dans son émission Inexpugnable ici & ici. De quoi égailler tes séances de nage.

Bref, dans cette édition, je te propose d’étudier les biais qui peuvent également faire écho à notre expérience d’étudiant·e / jeune diplômé·e. Tu n’imagines pas la joie que j’éprouve à l’idée de pouvoir mêler ces deux passions (orientation & marketing) but believe me, it’s real. Bonne séance !

Ready, set, swim 🏊‍♀️

👋 On recrute des nouveaux nageur·ses. Tu veux rejoindre la team ? c’est par ici


🐙 Hold on

Avant de commencer, une requête : je suis à la recherche de contributeur·rices. Si tu es étudiant·e ou jeune actif·ve et que tu souhaiterait parler de ton expérience à l’écrit, tu peux m’envoyer une bouteille à la mer à hello@thewhy.xyz.

De fait, je me suis un peu emballée en voulant faire le bilan des apprentissages 2020. Comme ça ressemble de plus en plus à un magazine qui concentre exercices, articles et témoignages …. je me suis dit que ce serait chouette d’avoir des voix différentes s’exprimer ! Chaud·e pour te lancer ? Un extrait ici en attendant la suite 🤸‍♀️ Et si tu as des retours à me faire ou des idées de contenu à y intégrer je les prendrai avec plaisir !

Et en attendant le mag, on reçoit Lucas Au bord du bassin le 11 février à 18h30 pour parler déclic professionnel et ESS. Pour s’inscrire c’est ici 👉 https://lucas-aubordubassin.eventbrite.fr


🦑 C’est parti pour Cialdini

Après cet aparté, place au contenu ! Comme je le disais en intro, Influence et manipulation semble être le livre de référence pour s’informer sur les leviers de consommation. Bien qu’essentiellement tourné marketing, certains de ces mécanismes sont aussi applicables à l’orientation. Explorons tout cela ensemble, veux-tu ?

1. Engagement & Cohérence

Rationaliser le chemin qu’on s’est tracé

« C’est en école que j’ai appris l’importance de la cohérence dans un parcours. Mes ami·es qui n’ont pas fait ces études avaient du mal à comprendre mon auto-censure de ce fait »

Dans notre épisode de podcast Paumées now we here, on parlait de notre obsession quasi maladive pour la cohérence. Que ce soit sur le CV ou dans nos études.

Le principe est simple : dès lors qu’on fait un choix, on se convainc que c’est le bon. On aligne nos actions sur ce choix pour que celui-ci continue à sembler le plus cohérent possible. Pour illustrer son propos, Cialdini revient sur la vague de collaboration de soldats Américains dans les camps Chinois pendant la guerre de Corée. Le principe était relativement simple et sans violence. Les Chinois avaient mis en place une sorte de « cascade de l’engagement » qui menaient les soldats à :

  1. Énoncer quelques critiques sur la politique Américaine

  2. Écrire celles-ci sur papier et le signer

  3. Lire ces propos à la radio afin de rendre ces propos audibles par les autres Américains (du camp & ailleurs). Ainsi, le soldat concerné était identifié comme collaborateur par tous

  4. Se sentant étiqueté comme tel, le soldat commençait alors à se conformer à cette cette nouvelle image et collaborer avec le camp adverse

Le secret résidait dans les différentes étapes qui menaient progressivement à la collaboration. De cette façon, les soldats Chinois modifiant durablement l’image que les soldats (collaborateurs) avaient d’eux.

« Une fois qu’il a accepté la proposition, il devient à ses propres yeux le genre de personne qui s’engage de la sorte, qui accepte de collaborer avec des inconnus, qui s’engage pour obéir à ses convictions, qui soutient des causes justes. »

Pour revenir à l’orientation, dans le podcast sur la paumitude, Marine nous parlait ainsi de la manière dont elle s’est retrouvée à « signer pour un prêt étudiant comme si j’achetais une baguette à la boulangerie du coin ». La cascade de l’engagement. Bonne élève post-bac orientée vers une prépa, qui mène à une école… etc. Une fois arrivé·e au bout du tunnel, avouons qu’il est plus difficile de remettre en question tout le processus par lequel nous sommes passé·es – donc une dizaine d’années d’études et/ou le système éducatif – que de rationaliser son choix. Pour Cialdini, le principe de cohérence est d’autant plus prégnant dès lors que le “prix” est dur d’atteinte (comme les concours pour les grandes écoles).

Pour être tout à fait honnête, c’est aussi comme ça que je vois les personnes qui s’engagent dans une entreprise en rupture avec leurs valeurs. On trouve comment justifier nos choix de manière rationnelle, on se persuade qu’on « fait ça pour changer les choses de l’intérieur », sans pour autant remettre en cause les raisons qui nous ont menées à prendre cette route. Grand est donc le risque dans ce cas de se retrouver à suivre un chemin qui ne nous correspond pas (tout en s’auto-convaincant que cela est porteur de sens).

Le biais de cohérence marche aussi en termes de perception extérieure. On a effectivement tendance à agir selon la manière dont notre entourage nous voit. Le fameux « Toi, t’es le genre de personne qui… ». Dans l’épisode d’Entre Mecs sur Le style, on parle justement des fois où l’on ose pas faire quelque chose, où l’on s’auto-censure par peur de sortir du personnage que nos proches connaissent.

C’est un peu ce qu’évoque Gabrielle en réponse à Marine. Cette peur de ne pas réussir à intégrer un milieu par manque d’expérience ou de légitimité.

« Quand l’engagement existe positivement, l’image du sujet se trouve soumise à des pressions internes et externes. De l’intérieur, le sujet se sent poussé à mettre son image en confirmité avec ses actes. De l’extérieur, il est conduit, plus sournoisement encore, à adapter son image à la façon dont les autres le voient. »

Le moment où l’on fait le point sur nos engagements et la direction à prendre coïncidence souvent avec le moment où l’on « refait son CV ». Il permet de coucher sur papier nos choix, notre trajectoire de vie… de fournir une grille de lecture de la cohérence de notre cheminement. Parce que la logique a pris le pas sur le reste.

2. La sympathie

Be cool

Un principe simple mais efficace qui statue que l’on va vers ce qui nous semble familier. Les cabinets de conseil l’ont bien compris en recréant des environnements proches de ceux que l’on côtoie en école – avec des personnes similaires –, et un système d’évaluation avec lequel nous sommes coutumier·es aligné sur le vocabulaire scolaire (ne nous mentons pas, qui emploie le terme “redoubler” dans la vraie vie ? c’est comme utiliser le théorème de Pythagore quotidiennement : impossible).

« Nous avons un sentiment favorable envers les choses que nous avons déjà rencontrées » Cialdini

De cette manière, la transition vie étudiante/vie professionnelle est vécue plus doucement que si l’ensemble des codes changeaient. Une manière simple, mais efficace de jouer sur notre peur du changement et notre sensibilité au risque.

3. La preuve sociale

La plus pernicieuse

La preuve sociale, c’est quand on se dirige vers la même ligne de nage que les autres… parce qu’on voit qu’elle est déjà empruntée.

Ce biais entre surtout en jeu lorsque :

  1. La personne est indécise quant au choix à effectuer – ce qui est le cas de beaucoup d’étudiant·es en école de commerce comme on en parlait dans une édition précédente

  2. Une majorité relative semble s’orienter vers une solution

Les écoles de commerce sont particulièrement friandes de ce mode de communication, ne serait-ce que par la course aux accréditations ou aux podiums de classement. Pour le reste, je me souviens de brochures distribuées aux oraux affichant en grosses lettres : « x% de nos élèves s’orientent vers le conseil », « x% vers l’audit ». Qu’on le veille ou non, une norme est établie. Ainsi, lorsque viendra le moment du choix et/ou de la spécialisation, les indécis·es s’orientent souvent vers ces domaines a priori plébiscités par la majorité.

Dans un esprit similaire, mon école s’appuie sur l’image de fondateur·rices de startups à succès pour asseoir leur expertise dans ce domaine. Utiliser ces figures – qui font office d’autorité dans leur domaine – permet aussi de rassurer les sceptiques sur leur « excellence académique », et ce malgré les scandales. Enfin, assimiler la formation à ces visages jeunes joue aussi sur le principe de sympathie. On s’engouffre dans le chenal tracé par autrui de sorte que notre image profite de ce succès.

☝️Fun fact, cela marche aussi dans le sens “inverse” de la reconversion. Un groupe d’ami·es s’est renommé “Le club des démissionnaires” (sorry les gars secret’s out). Le fait d’avoir un espace pour parler de ces questionnements et mettre en valeur les trajectoires de celles et ceux qui avaient sauté le pas suffit à insuffler une nouvelle dynamique. Voir que la voie était empruntée rendait la pensée – et son effectuation – possible.

4. La réciprocité

Jouer sur les sentiments

« Ils m’avaient recrutée, formée, et valorisaient vraiment mon travail. Une part de moi se sentait mal de les quitter. » Edwige

Pour Cialdini, ce principe est un levier émotionnel fort en vente, pouvant pousser le consommateur ou la consommatrice à acheter par sentiment de redevance.

Dans le cadre de l’expérience à laquelle il fait référence, deux sujets sont dans une salle d’attente. Le sujet A sort et revient avec du Coca. Dans un cas, A donne à B une canette de Coca, dans l’autre, non. Après quelque temps, A fait une requête à B : celle de lui acheter des tickets de tombola. On remarque alors que le simple fait d’avoir donné une canette de Coca (ou non) jouait sur le nombre – et donc la valeur – des tickets achetés ensuite. Chose surprenante : ce sentiment de redevance inconscient supplantait même d’autres leviers de vente comme la sympathie.

Mais quel rapport avec nos choix d’orientation ? Dans notre dernière rencontre Au bord du bassin, notre invitée nous parlait du sentiment de redevance qu’elle éprouvait envers l’entreprise qui l’avait accueillie en stage puis alternance pendant un an et demi. Ce seul sentiment semble avoir pesé fort dans la balance avant qu’elle ne finisse par choisir la voie de la recherche.

De même, une de mes connaissances m’avait fait part de son rejet de tout ce qui touchait à l’école de commerce, tout en me confiant :

« Si l’école me demande quelque chose, je ne me sentirais redevable de rien. En revanche si un·e étudiant·e a besoin d’aide un jour, je me ferai un plaisir de l’aider. »

Paradoxal right ? Ces 3 années de Master ont donc suffit à créer un sentiment d’appartenance et de redevance. Au point que partager une simple ligne sur le CV crée de facto une relation.

Dans cette même veine, une autre utilisation de ce principe peut se voir en recrutement avec le système de cooptation opéré dans certains cabinets de conseil. Quel que soit notre degré de motivation intial, le fait d’être recommandé·e puis engagé·e grâce à cette celle-ci induit un sentiment de redevabilité envers la personne. Pendant le processus de recrutement, on essaye de présenter au mieux, on donne tout. De même pour l’après : on essaye de prouver qu’on “vaut l’investissement” en jouant le jeu à fond.

Redoutable non ?

5. L’autorité

Écoute les autres, ils·elles savent ce qui est bon pour toi

Ce principe est souvent illustré par la célèbre expérience de Milgram au cours de laquelle on évalue l’influence des signes d’autorité sur nos actions. Voici un court résumé de celle-ci. Dans chaque session entrent en jeu :

  • Un·e élève, qui se doit de mémoriser une série de mots. Cette personne est puni·e par une décharge électrique si sa réponse est fausse

  • Un·e professeur·e, en charge de poser les questions et d’envoyer les décharges électriques en cas d’erreur, sur demande de la personne garante d’autorité. À chaque nouvelle erreur, le voltage est augmenté

  • Un·e chercheur·se en blouse qui dicte la marche à suivre à la personne professeure

En fait, seul le ou la professeur·e est sujet d’expérimentation. L’objectif étant de voir à quel voltage cette personne s’arrêtera. Chose alarmante, la majorité des sujets professeur·es allaient jusqu’au bout de l’expérience – peu importe les supplications de l’élève – par obéissance à la parole de “l’autorité” représentée par le ou la chercheur·se en blouse. Cette expérience, bien qu’extrême, montre l’importance que nous portons aux symboles d’autorités ; qu’ils soient éloquents (utiliser une personne d’autorité) ou subtils (un simple accessoire).

En orientation, cela peut s’illustrer par les témoignages de personnes connues, ou bien de personnes travaillant dans des entreprises plébiscitées par le plus grand nombre. De cette manière, nous suivons (in)consciemment les conseils d’orientation prodigués par ces intervenant·es.

J’avais parlé dans une édition précédente du syndrome du bon élève dans l’orientation. Je reste convaincue que pour beaucoup, l’avis des parents, des professeurs – qui font figure d’autorité – continuent à peser lourd dans la balance de l’orientation. En témoigne notre podcast Le risque est-ce rester ou partir ? où une invitée nous confiait « aimer faire des choses mesurables pour se rassurer ainsi que ses proches ».

6. La rareté

Bon, je ne vais pas creuser celui-ci car il me semble peu relevant dans le cadre de l’orientation, mais l’idée est que tout ce qui est rare ou accessible à une minorité seulement est prisé. La démission maybe ? Ou le prestige des écoles de commerce dû au montant des frais de scolarité ? (blague à part, si l’excellence académique était aussi rare que chère je me demande quel serait le prix de nos écoles)


👀 So what ?

Par ici pour le titre musical spécial conclusion. Je l’ai en tête à chaque fois donc you’re welcome

« Très souvent, quand nous prenons une décision sur quelque chose ou quelqu’un, nous n’utilisons pas toute l’information disponible ; nous n’utilisons, au contraire qu’un seul élément d’information, considéré comme représentatif de l’ensemble. Or, cet élément isolé […] peut nous amener à commettre des erreurs grossières » Cialdini

Comme Cialdini, je ne pense pas que connaître ces biais cognitifs feront de toi un·e super-nageur·se capable de décider de son orientation en un clin d’œil. Crois-moi, je continue à me faire avoir par les soldes « par peur de rater une bonne occasion » (et de payer mon école mais ça c’est une autre histoire). Je pense simplement qu’il est intéressant et important d’avoir des clefs en main pour prendre ses décisions en « pleine conscience », qu’elles soient du domaine de l’orientation ou de la consommation.


🛠 Quelques ressources avant de se quitter

👉 L’épisode de GDIY de Mathieu Stefani avec Edgar Grospiron. Comme j’écoute ce podcast par bribes, je ne peux pas - encore - le résumer dans son entièreté. Mais le début de l’échange sur l’arrêt d’activité - aka la retraite - et notre relation au vide est très intéressant.

👉 The Ultimate Career Advice List par Etytan Messika. De même que le podcast GDIY, j’avoue ne pas encore l’avoir parcourue de manière exhaustive. Mais une chose est sûre : vous y trouverez moult ressources. J’ai aussi intégré le lien dans la toolbox de l’orientation

👉 Le hors-série À l’écoute de Génération XX édité en 2020. Il réunit articles, recommandations et témoignages de diverses contributrices. Un must-read si tu sens que tu as besoin d’une dose d’inspiration avant de te jeter à l’eau

👉 Le dernier épisode d’Insomnie de Ben Névert sur France TV Slash avec Hakim Jemili. Ils y abordent la manière dont nos identités se forgent, notamment au travers de nos activités professionnelles. Super instructif, transparent & bienveillant !

👉 Notre archive pour retrouver l’ensemble de nos contenus (newsletter, podcast & webinaire)


Ça t’a plu ? Fais passer le mot !

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À très vite pour un nouveau plongeon 🐋

Apolline


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