Ploufletter by Our Millennials Today

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La vie, ce fiat multipla

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La vie, ce fiat multipla

Crise de la vingtaine et devenir adulte

Apolline Rigaut
Oct 22, 2022
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La Plouf-letter Our Millennials Today est un espace où l'on parle orientation et quête de sens sur fond de sociologie et mauvais jeux de mots. Athlète confirmé·e ou newbie en brassards, bienvenue 🎣

Tu verras, ici on évoque beaucoup le monde de la natation pour faire référence au fait de se lancer « dans le grand bain » à l’âge adulte. La piscine, c’est le monde – du travail le plus souvent. Le couloir de nage, c’est la voie que l’on choisit. Les différentes techniques de nages, les paliers que l’on passe. Enfin, les nageur·ses sur la planche ou dans le bassin, ce sont les personnes qui, comme toi et moi, sont en quête de sens. Si besoin, tu peux consulter ce lexique natatoire ! Bonne séance 🐋

👉  ps : Je te préviens d'entrée de jeu. Cette édition est sponsorisée par le centre d'entraînement le plus haut de gamme (à comprendre le plus cher

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) de la région Rhône Alpes. Celui-ci m'a accompagnée dans la rédaction d’un certain mémoire de fin d’études dont vous retrouverez quelques extraits ici et qui a grandement inspiré la réflexion de cette édition


🐟 Avant le plongeon

Coucou toi ! J'espère que ton été (indien) se déroule bien et que ta reprise sportive s’est faite en douceur. Par ici, tout baigne malgré quelques crampes récurrentes. La raison ? J’ai changé de planning d’entraînement pour passer en eaux libres il y a peu car je cours ma première course en novembre. Est-ce une décision que je regrette ? Vu la température de l’eau à cette époque, assurément, mais yol'eau.

Ici quelques changements sont en cours : la Plouf-letter que tu lis va devenir bi-mestrielle (la légende raconte qu’elle l’était déjà) et devient une forme d’objet natatoire multiforme. Je m’explique. Chaque édition sera accompagnée d’accessoires de piscine destinés à t’aider dans ta trajectoire de nage. Parfois, comme aujourd’hui, d’un épisode de podcast, d’une playlist et d’un exercice – tous disponibles en fin de publication. Parfois, peut-être uniquement d’une playlist et d’un témoignage fleuve en annexe. Le courant seul nous le dira.

Avant de passer le pédiluve et de s’immerger dans l’édition du jour, il faut que je te dise quelque chose – se voir en maillot de bain tous les deux mois, ça tisse des liens après tout : j’ai enfin eu mon mémoire. Incroyable mais vrai. Je suis diplômée. Pour tout t’avouer, lorsque j’ai vu l’ensemble de mes obligations pédagogiques tourner au vert, ma première réaction a été de me dire « ça y est, je suis adulte ». Comme si pouvoir inscrire un temps (même minable) au chrono du diplôme me donnait accès au bassin VIP qu’est la vie de daronne. Manifestement, je n’étais pas la seule nageuse à conceptualiser l’obtention de cette attestation ainsi puisqu’à l’annonce de cette nouvelle, moult de mes ami·es m’ont demandé « alors, ça fait quoi d’être adulte ? »

Pourtant, sur la liste des prérequis pour prétendre au changement de catégorie, je me sens plutôt en fin de classement.

Curieuse de savoir ce qui faisait passer un·e jeune espoir au grade de Master

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, je me suis lancée dans un sprint natatoire sur le sujet. J’ai lu, écouté des podcasts, demandé à la swimming team ce qu’iels en pensaient, échangé avec quelques Lifeguards … puis j’ai vrillé. J’ai fini sur Tiktok à interroger l’algorithme pour savoir dans quelles mesures « devenir adulte » et se retrouver la tête sous l’eau au moment venu était monnaie courante. J’y ai découvert – non sans surprise – que le hashtag #lavingtaine regroupe 528K de vues, celui #crisedelavingtaine 1,8M et celui #orientation 238M
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. Soit. Les paumé·es sont donc légion dans la piscine.

Cette Plouf-letter tire donc le fil de cette serviette de coton pour plonger en bathyscaphe dans les méandres du devenir adulte.

(Si tu veux retrouver l’exercice du mois, citations et ploufcast sur le même support, tu peux feuilleter ces pages d’À l’eau mag. Tu peux également écouter cette playlist made in la piscine sur le thème de la vingtaine pour ambiancer ta lecture ou tes dimanches remise en question)

Accurate picture of mon arrivée dans la vie adulte

👋 On recrute des nouveaux nageur·ses. Tu veux rejoindre la  team ? c’est par ici 👇


🤿 Pédiluve

cette plouf-letter est-elle faite pour toi ?

🤚Pour faire cet exercice, il te faudra lever six doigts. You’re good to read. À chaque affirmation dans laquelle tu te reconnais, abaisse un doigt.

  1. tu t'es posé des questions sur le sens de ta vie

  2. tu as déjà remis en question tes choix précédents

  3. tu n'es pas certain·e de la direction à prendre

  4. tu cherches à trouver un équilibre entre les injonctions sociales (mariage, enfants, scénic (ou multipla pour les plus swag)) et tes envies propres

  5. tu t’es déjà demandé « mais comment j’en suis arrivé·e là ? » sans pour autant savoir ce vers qu·o·i tu aimerais nager ensuite

  6. tu t’es déjà dit que la vie de berger·e dans le Bergerac (on aime pas tous·tes l’Auvergne ok ?) ça pouvait être cool

Si tu as répondu « oui » à au moins une question, ajuste ton masque de plongée, cette édition va te parler !


🦑 Fais pas ta crise, retourne au bassin

il est (déjà) venu le temps de l’étymo

« Nobody puts l’etymology in the corner » (pas) Patrick Swayze

Le terme crise vient du latin crisis, lui-même emprunté au grec κρισις [krisis]. Il signifie « action ou faculté de distinguer, de séparer, d'où dissentiment, contestation, phase décisive d'une maladie (pour Hippocrate) ».

Pour faire court, dans un récit, la crise équivaut au moment où l’on touche le creux de la vague avant de prendre la prochaine. Dans le langage commun, on a souvent tendance à utiliser le mot catastrophe en lieu de crise. Pourtant, ces locutions certes similaires ne sont en rien synonymes. De fait, catastrophe a beau faire référence à un renversement dans le déroulé d’une histoire, son usage premier réservé au domaine tragique teinte de noir ses dénouements.

Quand le tsunami de la crise te cueille en pleine session de nage

« Le temps linéaire instaure [donc] une pression à l'excellence, à la réussite et à l'irréprochabilité. Il fixe un cadre dans lequel l'erreur n'est pas admise et s'avère catastrophique lorsqu'elle est commise » Le culte de l’urgence : la société malade tu temps, Nicole Aubert

Parler de crise, c’est aussi parler de notre rapport au temps. Autrefois, les nageur·ses abordaient la temporalité sous le prisme cyclique – le mythe de l’Éternel Retour tu connais. Dans ce cas, recommencer la course, tester de nouvelles eaux et possiblement améliorer son chrono (bref, avoir accès à une deuxième chance) sont des options tout à fait plausibles.

Aujourd’hui, notre vision du temps comme du progrès sont pensées de manière linéaire. Chaque nouvelle action effectuée, nouvelle technologie créée ou coup de palme donné se doivent de supplanter le précédent. Pour Nicole Aubert, autrice, cette pression à la performance encourage l’installation d’un environnement propice à l’urgence et la crise. Sa discipline de prédilection est l’étude des entreprises. Mais l’essor du développement personnel axé sur la productivité intense couplée à la possibilité de mesurer – et comparer – ses performances en continu transpose cette pression aux nageur·ses individuel·les.

Le temps linéaire instaure donc une pression à l'excellence, à la réussite et à l'irréprochabilité. Il fixe un cadre dans lequel l'erreur n'est pas admise et s'avère catastrophique lorsqu'elle est commise » Le culte de l’urgence : la société malade tu temps, Nicole Aubert

Si l’on a qu’une chance de réussir, alors hésiter, s’arrêter, voire changer, c’est en quelque sorte s’auto-torpiller.

je vois, je vois, une crise existentielle

« Mon coloc m’a retrouvée en larmes devant mon ordinateur […]. Il ne se passait rien, on avait juste annulé une réunion » Laura, Au bord du bassin

J’ai découvert avec Bruce Fieler la notion de Lifequake (soit séïsme de vie) lors d’une de mes sessions d’entraînement dans la piscine TED. Pour faire court, celui-ci compare chaque transition de vie à des vagues avec lesquelles on compose dans notre trajectoire de nage. Selon le contexte et notre état d’esprit du moment, le ressenti diffère. Cela peut aller de la vaguelette inoffensive au tsunami. Ce dernier représente les crises existentielles qui viennent ébranler – voire engloutir – notre référentiel initial. Ces Lifequakes peuvent survenir de multiples manières : un déménagement, un burnout, ou encore une arrivée (ou une sortie) dans le grand bain de la vie active.

La difficulté principale de ces ruptures est que l’on ne peut prédire le moment où elles auront lieu.

Laura, 26 ans, fait partie des nageur·ses qui ont découvert la piscine par hasard, au détour d’un ploufcast🏊‍♀️. Après quelques échanges sur ses errances natatoires, celle-ci a accepté de passer derrière le micro pour me confier ses questionnements introspectifs, amorcés par une crise professionnelle.

« Mon coloc m’a retrouvé en larmes devant mon ordinateur […]. Il ne se passait rien, on avait juste annulé une réunion ». C’est ainsi que Laura m’avait décrit, sourire dans la voix, l’épisode de son tsunami personnel : un burnout en pleine pandémie. Et, comme une vague scélérate n'arrive jamais seule, avait suivi la découverte de son autisme. Pourtant, aussi bas qu’avait pu sombrer Laura, cette crise s’est finalement révélée être une opportunité dans sa trajectoire. Tant concernant son changement de ligne d’eau – notre nageuse est désormais prof de yoga et doula

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en devenir – que concernant sa prise de recul – forcée – sur ses choix d’orientation antérieurs.


🦀pourquoi autant de pression sur la 20aine ?

tout change, c’est chaud

« une période d'insécurité, de doute et de déception entourant notre carrière, nos relations et notre situation financière » la crise du quart de siècle selon Alex Fowke (Wikipedia).

Fut un temps où l’on ne connaissait que la crise d’adolescence – la classique. Mais ça c’était avant. Depuis, la crise de la quarantaine a fait son apparition. Lors de cette crise, les athlètes en milieu de parcours (de vie) s’arrêtent pour faire le bilan avant de repartir de plus belle – ou changer de ligne d’eau de manière radicale. Puis, avec l’allongement de l’espérance de vie, son pendant senior a débarqué dans le bassin : la crise de la soixantaine (Qui n’a pas en tête l’image d’un·e sexagénaire traversant une période de remise en question intense après avoir rendu son peignoir au club pour lequel iel a nagé quasi quarante ans de sa vie ?) . Bref, un joyeux bordel auquel ne manquait qu’un âge : la vingtaine.

Avant d’étendre cette crise à une décennie, on évoquait du bout de nos lèvres fripées par l’eau chlorée « le quart de siècle ». Ce moment bâtard du passage à la vie adulte où, à l’image de la crise de la quarantaine, on fait le bilan sur nos trajectoires. Et ne nous mentons pas : c’est assez déroutant de se dire que jusqu'à ce passage en catégorie pro, nous n'avions pas vraiment eu de choix à faire en propre à part « Est-ce que je veux avoir de bonnes notes ? Et si oui, comment pourrais-je les obtenir ? » (Tim Urban). Si tu les avais oubliées, voici un échantillon des interrogations bien fun qui peuvent guider cette introspection :

  • Qu’ai-je donc accompli jusqu’ici ?

  • Ai-je fait le bon choix dans ma trajectoire ?

  • À quel niveau de prestige social suis-je ? (fiche de poste & salaire)

  • Quels sont mes objectifs pour les prochains 25 ans ?

…. Le tout effectué sous le prisme de la comparaison grâce à la question bonus : « Et où en sont les autres ? Ne serais-je pas en retard sur le chrono ? »

La quatrième révolution industrielle numérique a créé un contexte où règne l’incertitude. Ainsi, l’étude publiée par Dell & Institute of future en 2017 qui statuait que 85% des métiers de 2030 n'existaient pas encore vient confirmer le fait que la société d’aujourd’hui prépare un monde qui advient simultanément à sa préparation. En anglais, ce nouveau contexte porte un nom depuis 1987 : VUCA. Cet acronyme pour le moins opaque signifie « Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu ». Bref, un résumé plutôt efficace du monde actuel et des enjeux qu’il porte. Dans cet environnement, anticiper la trajectoire que prendront nos vies natatoires me paraît aussi facile que de relier à la nage la France aux États-Unis.

« Devenir adulte, ça prend 10 ans » Jean Viard pour Usbek & Rica

Et si contrôler notre environnement semble difficile, que dire de nos parcours dans la piscine ? Selon Pôle Emploi, les prochaines générations à entrer sur le marché du travail exerceront jusqu'à 15 métiers différents. Dans son livre Un nouvel âge jeune, le sociologue Jean Viard va même plus loin. Il y associe l’accès tardif au CDI et à la stabilité professionnelle au recul du devenir adulte qu’il situe désormais à 29 ans.

« Comment tu montres que tu es un adulte ? Tu fais un enfant, et tu prends un emploi stable. Or l’âge auquel arrive le premier bébé est aujourd’hui de 30 ans et 2 mois, et l’âge moyen du premier CDI est de 29 ans. Tout ça, ça veut dire qu’on a fini ses études, ses aventures érotiques, culturelles, à 30 ans. De 16 à 26 ans, on a donc une période de 10 ans où l’on est en apprentissage de l’âge adulte » Jean Viard pour Usbek & Rica

À ce rythme, vouloir comparer son parcours à celui d’autrui avec les mêmes critères que les nageur·ses en catégorie Master semble aussi absurde que désuet. Finis les départs groupés chronométrés ! Désormais, le marathon de natation est en open et s’effectue en sas échelonnés. À chaque coureur·se de définir sa propre notion de réussite et ses instruments de mesure pour qualifier sa performance.

La vie c’est comme un multipla : ça peut être décevant et c’est pas toujours aussi beau qu’on l’espérait une fois t·h·unée ©Vilbrequin. Et c’est là que survient la crise

à chacun·e sa trajectoire et les hippocampes seront bien gardés

Nous sommes en septembre. L’automne n’est pas encore arrivé et il fait encore jour lorsque j’allume mon ordinateur pour l’enregistrement planifié à 18h30. J’attends quelques instants que Ralitsa, 26 ans, se connecte. Comme je l’ai fait il y a une quinzaine de minutes, elle a troqué ses habits diurnes pour une combi molletonnée. Une fois installées devant nos micros respectifs – qui dans son salon et qui dans sa cuisine –, j’appuie sur rec, c’est parti.

L’ordre du jour est simple : les injonctions de la vingtaine.

Depuis 2020, Ralitsa a décidé de faire de cette décennie sa discipline phare. Elle en parle régulièrement dans sa piscine du phare ouest ; parfois seule, parfois en compagnie d’autres nageur·ses s’étant plongé·es dans le sujet.

Dans son discours, on peut entendre une forte volonté de rassurer. Tu peux la lire ici ou bien l’écouter dans le dernier épisode du ploufcast 🏊‍♀️

« Parmi les pièges de la vingtaine, je trouve qu’il y a le fait de se comparer sans cesse. Que ce soit aux personnes qui ont le même âge que nous, mais qui cochent toutes les cases qu’on attend d’elles, ou de se sentir dévalorisé·e par rapport à un parcours qu’on trouve admirable ou inspirant » Lifeguard, Ralitsa

« Ce que j’essaye de mettre en place tous les jours, c’est de m’écouter moi, de devenir la personne que j’ai envie de devenir profondément et puis de travailler sur moi-même sans chercher à être la première dans la course et la compétition qu’est la vie parce que finalement je trouve que c’est une image assez parlante. Il n’y a pas de trophée à la fin, du moins je ne pense pas » Lifeguard, Ralitsa

Le message est clair : à chacun·e sa cadence, son historique d’entraînement, ses objectifs et son tracé. Les critères d’évaluation, aussi personnels et complexes, rendent la comparaison des chronos aussi absurde que lunaire. Au fond, ceci me rappelle l’adage partagé par Gaëlle Au bord du bassin : « ce n’est pas parce qu’on n’est pas assis·es à la même table que ton parcours n’a aucune valeur ».

In fine, c’est en se recentrant sur soi que l’on apprend à apprécier sa discipline et ses progrès.

l’âge de tous les possibles et de toutes les transitions. quelle pression

« Jusqu’à trente ans, j’en ai la certitude, ma jeunesse triomphera de tout, désenchantement, dégoût de vivre, etc. Souvent je me suis demandé s’il y avait au monde un désespoir capable de vaincre en moi ce furieux appétit de vivre, inconvenant peut-être, et je pense qu’il n’en existe pas, avant mes trente ans, tout au moins » Les frères Karamazov, Dostoïevski (Ivan à Aliocha)

À l’image de la période d’insouciance, de croissance et de progrès surnommée les « Roaring twenties

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» dans les États-Unis d’après-guerre, on a souvent tendance à fantasmer la vingtaine sous cet angle. Un âge de « bêtises » à gogo où responsabilités ou problèmes physiques font office de légendes.

« En plein dans la vingtaine, j'ai l'impression que c'est maintenant ou jamais » L’espoir meurt en dernier, Georgio

Pourtant, cet océan des possibles peut paralyser, car comment [bien] choisir lorsque tout semble accessible ? Cette pression sous-jacente est d’autant plus prégnante que la vingtaine s’apparente également dans nos esprits à une décennie fondatrice du reste de nos vies dans la piscine. Somme toutes, la vingtaine, c’est l’âge de tous les paradoxes où l’on navigue à vue, le cul entre deux maillots entre le besoin de :

  • savoir où tu vas de manière claire tout en profitant de ta jeunesse #oneplouf

  • te stabiliser tout en gardant tes possibles ouverts

  • en apprenant à poser tes limites et prendre soin de ta santé mentale tout en te donnant à fond pour réussir ta vie

  • à tester de multiples disciplines et lignes d’eau tout en construisant un parcours cohérent pour ne pas effrayer tes futurs clubs de nage lors de recrutements

Quelques nageur·ses m’ont partagé leur sentiment sur ce sentiment d’entre-deux avec lequel iels composent parfois :

« « Fin de vingtaine c’est ça le plus dur je trouve : faire des gosses, réussir son diplôme et commencer à gagner de l’argent 😢, en bref trouver « sa voie » et « construire sa vie » » un·e nageur·se anonyme

« Je suis au chômage depuis décembre. Je t’avoue que c’est une période délicate, mitigée entre la peur de ne pas retrouver un emploi et ne pas réussir mon projet d’entrepreneuriat, et cette sensation de bien-être de pouvoir prendre du temps pour soi sans les exigences imposées par la société » Marie

Pour Baptiste, 23 ans, jeune diplômé d’une école d’art vivant et nageur assidu, cet impératif à devenir autonome, responsable et adulte est accentuée par le couperet des 26 ans, âge à partir duquel l’on renonce à plusieurs de nos privilèges – dont tgvmax, qui a lancé la discussion en bord de ponton.

« Ça donne l’impression qu’avant tout est ouvert, les entreprises nous disent « c’est bon les gars venez, c’est gratuit ». Et là à 26 ans, bam les portes se ferment et tu comprends que ça y est, t’y es. C’est fini, tu dois faire de la tune » Baptiste

Pour Ralitsa, notre Lifeguard du mois, se (re)trouver est passé par une période de (dés)apprentissage de la conception de réussite d’une part, mais aussi de l’importance que peuvent avoir la passion, la compétition et le travail dans sa pratique de la natation.

« La rupture ça a été quand j’ai été diplômée parce que d’un coup je suis sortie de la bulle qu’était la voie toute tracée des études, celle où on réfléchit toujours à l’étape d’après, au diplôme, au rendu etc. là, il n’y a plus tout ça, une fois que tu as fini ta journée de travail, tu es toi. la question c’est : qui es-tu vraiment ? » Lifeguard, Ralitsa

« Aujourd’hui c’est quelque chose que j’ai appris à faire et que j’espère pouvoir continuer à faire : distinguer le moi du travail et le moi du temps libre où j’ai le temps d’apprendre à me connaître, d’explorer toutes ces choses. » Lifeguard, Ralitsa

Car grandir, c’est questionner son référentiel initial pour (re)construire ses propres balises.

l’âge de l’émancipation

« Papa, maman, finis les brassards, je me jette à l’eau »

(Dé)construire. Une thématique fort dans le courant de nos jours. Pourtant, ici, on va surtout parler socialisation. Lorsque l’on est jeune espoir, notre premier rapport à l’eau s’effectue dans le cercle familial. C’est lui qui nous familiarise à certaines disciplines, habitudes de nage, et accompagne notre progression dans le bassin. C’est fort·es de cette socialisation primaire que l’on traverse la première partie de notre existence. Bien souvent, on commence notre trajectoire en imitant leur style de nage sans sourciller – dans sa Poétique, Aristote

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mentionnait cette étape fondatrice dans la construction individuelle des jeunes espoirs.

L’école puis l’arrivée dans le grand bain constituent divers environnements où notre référentiel initial est questionné – en fonction des personnes que l’on rencontre, des valeurs que l’on nous transmet, des situations auxquelles nous devons faire face, etc.

Ces mises en situation successives nous font changer de prisme pour devenir sujet de notre trajectoire de nage – puisque l’on endosse de nouvelles responsabilités en prenant des décisions structurantes – et non plus objet.

Cette crise, bien qu’essentielle, peut représenter une fracture identitaire – on s’éloigne d’un référentiel pour s’orienter vers un nouveau. Bien que parfois difficile à vivre, la transition qu’est la vingtaine peut amener dissensions, remises en question profondes… pour mieux trouver bassin à son image ensuite.

quid d’un projet politico-social ?

« Le rôle que, de l'Antiquité à nos jours, toutes les utopies politiques prêtent à l'éducation, montre bien combien il paraît naturel de vouloir fonder un nouveau monde avec ceux qui sont nouveaux par naissance et par nature. » Hannah Arendt, La crise de l’éducation

Aujourd’hui, la vitesse à laquelle notre monde évolue rend la tâche éducative plus difficile, même quasi impossible au vu de l’inertie du système éducatif actuel. Nous nous efforçons de transmettre des mentalités, modes de vie, visions de carrière surannés alors que tout est fluctuant …

Pour certain·es comme le sociologue Jean Viard, (re)penser l’éducation et la transition à l’âge adulte devient une urgence contemporaine. Pour lui, la réponse est avant tout politique afin de construire un demain où chacun·e trouvera sa place et éviter, comme l’a mentionné un·e nageur·se, le sentiment d'avoir été « littéralement catapulté·e dans la vie d'adulte ».

« Il faut penser un projet du devenir-adulte qui soit celui de la société où nous sommes entrés, et non un projet pour la société d’hier » Jean Viard Un nouvel âge jeune ?

Mais alors, comment faire ?


👀 so what ?

chill out

À chaque fois que je rencontre d’autres nageur·ses, j’ai cette fâcheuse tendance à leur parler crise existentielle. 8 fois sur 10, vingtenaire ou non, c’est une expérience que l’on a en commun. Alors lâchons nous les bonnets de bain et parlons-en autour de nous.

« On est tellement nombreux ·ses à être perdu·es, je crois même que c'est sain de l'être et de se poser 3 milliards de questions aujourd'hui 🌚 Moi c'est un peu la crise existentielle. Mais c'est cool j'aime bien me triturer le cerveau je crois. Le passage a CDI ou tu as l'impression que tu signes pour les 30 prochaines années de ta vie alors que pas du tout » Nadia

« On passe 25 ans - soit la moitié de notre vie adulte – en transition. Et ne vous y trompez pas : ces années ne sont pas uniquement concentrées au milieu de notre existence. Certaines personnes sont venues au monde dans un séïsme existentiel, et certain·es d’entre nous en traversent pendant leur vingtaine et leur soixantaine» Bruce Fieler pour TED

« Y'a pas de manuel. On est tellement singulier·es, toute la société de l’image et des réseaux sociaux essayent de nous enlever votre singularité je trouve. En essayant de nous mettre dans une case, en essayant de justement nous faire ressembler à un type de personne qu’on peut étiquetter » Lifeguard, Ralitsa

concrètement, tu peux….

« Il est essentiel que vous ne traversiez pas ces transitions. Partagez votre expérience avec vos pairs – vos ami·es, votre conjoint·e, un·e collègue ou même un·e inconnu·e » Bruce Fieler pour TED

Tu n’as quand même pas cru que j’allais quitter le bassin sans te donner quelques pistes pour faire face à une crise ! Voici quelques sages conseils tirés de la communauté des nageur·ses sur Instagram sur la gestion d’épisodes anxieux 👇

« Faire des choses qu’on aime sans vouloir absolument résoudre son anxiété, enlever le trop plein de son agenda et accepter. Accepter et se dire que ça va passer »

« Beaucoup beaucoup de cinéma et de livres »

« Ne pas rester seul et se tourner vers des gens bienveillant·es pour en parler »

« Parler à ses proches de confiance pour extérioriser, parfois on sur-dramatise ses propres pensées »

« Ne pas planifier sa vie au-delà de six mois »

Si tu en as d’autres en tête, tu peux me répondre par email ou sur Instagram, je partagerai avec grand plaisir !


🛠 Quelques ressources avant de se quitter

👉  Le dernier épisode de Plouf🏊‍♀️ avec Ralitsa que tu as pu lire dans cette édition

👉 Une playlist à écouter sur le thème de la crise de la vingtaine (made in la piscine tmtc)

👉 Une fiche exercice pour t’aider à travailler ta posture de nageur·se paumé·e, one coupe de palme à la fois

👉 L’édition en mode mag. Si tu veux l’imprimer (recto-verso), la plier et la distribuer autour de toi, la voici également en format PDF (A3)

👉 Le paradoxe du choix (résumé) de Barry Schwartz pour t’aider à relativiser tes choix et la direction que prend ta trajectoire de nage ou ce post sur le compte Instagram de la piscine qui résume le résumé susmentionné

👉 L’édition de la plouf-letter « Orientation e(s)t roman d’apprentissage »

👉 La liste de l’ensemble des sources utilisées pour cette édition est dispo ici aux normes APA


Ça t’a plu ? Fais passer le mot !

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Tu as un peu de temps pour me faire un retour sur cette édition et/ou un outil à me partager ? PLEASE DO, pour la prise de contact c’est au-dessus ☝️


À très vite pour un nouveau plongeon 🐋

Apolline

Tu peux aussi nous retrouver sur instagram : https://www.instagram.com/ourmillennialstoday/

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J’ai nommé l’emlyon BS

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Un·e nageur·se senior (25 ans donc oups)

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Ces données ont été prises sur TikTok le 12/10/2022

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« Le mot “doula”, du grec ancien, est utilisé aujourd’hui dans le domaine de la périnatalité, pour nommer une femme qui a pour vocation d’aider une autre femme et son entourage pendant la grossesse, l’accouchement et la période postnatale, grâce à son expérience et à sa formation » source : doulas.info

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« Les années folles » en français

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Ce fameux maître-nageur antique fort reconnaissable à sa toge dans la piscine

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