Ploufletter

Share this post

La vie, ce fiat multipla - Vingtaine, adulting et crise de sens

ourmillennialstoday.substack.com

La vie, ce fiat multipla - Vingtaine, adulting et crise de sens

Crise de la vingtaine et devenir adulte

Apolline 🐋
Oct 22, 2022
1
Share

La Plouf-letter Our Millennials Today est un espace oĂč l'on parle orientation et quĂȘte de sens sur fond de sociologie et mauvais jeux de mots. AthlĂšte confirmé·e ou newbie en brassards, bienvenue 🎣

Tu verras, ici on Ă©voque beaucoup le monde de la natation pour faire rĂ©fĂ©rence au fait de se lancer « dans le grand bain » Ă  l’ñge adulte. La piscine, c’est le monde – du travail le plus souvent. Le couloir de nage, c’est la voie que l’on choisit. Les diffĂ©rentes techniques de nages, les paliers que l’on passe. Enfin, les nageur·ses sur la planche ou dans le bassin, ce sont les personnes qui, comme toi et moi, sont en quĂȘte de sens. Si besoin, tu peux consulter ce lexique natatoire !

Tu peux aussi

  • Plonger dans le carnet de jeu À l’eau pour lancer ton introspection

  • DĂ©couvrir le programme introspectif La culbute pour apprendre Ă  te connaĂźtre et tracer ta voie

  • Suivre La piscine sur Instagram ou Linkedin

  • T’abonner Ă  la Ploufletter si on t’a transfĂ©rĂ© cette Ă©dition

Sur ce, bonne sĂ©ance 🐋

👉  ps : Je te prĂ©viens d'entrĂ©e de jeu. Cette Ă©dition est sponsorisĂ©e par le centre d'entraĂźnement le plus haut de gamme (Ă  comprendre le plus cher

1
) de la rĂ©gion RhĂŽne Alpes. Celui-ci m'a accompagnĂ©e dans la rĂ©daction d’un certain mĂ©moire de fin d’études dont vous retrouverez quelques extraits ici et qui a grandement inspirĂ© la rĂ©flexion de cette Ă©dition


🐟 Avant le plongeon

Coucou toi ! J'espĂšre que ton Ă©tĂ© (indien) se dĂ©roule bien et que ta reprise sportive s’est faite en douceur. Par ici, tout baigne malgrĂ© quelques crampes rĂ©currentes. La raison ? J’ai changĂ© de planning d’entraĂźnement pour passer en eaux libres il y a peu car je cours ma premiĂšre course en novembre. Est-ce une dĂ©cision que je regrette ? Vu la tempĂ©rature de l’eau Ă  cette Ă©poque, assurĂ©ment, mais yol'eau.

Ici quelques changements sont en cours : la Plouf-letter que tu lis va devenir bi-mestrielle (la lĂ©gende raconte qu’elle l’était dĂ©jĂ ) et devient une forme d’objet natatoire multiforme. Je m’explique. Chaque Ă©dition sera accompagnĂ©e d’accessoires de piscine destinĂ©s Ă  t’aider dans ta trajectoire de nage. Parfois, comme aujourd’hui, d’un Ă©pisode de podcast, d’une playlist et d’un exercice – tous disponibles en fin de publication. Parfois, peut-ĂȘtre uniquement d’une playlist et d’un tĂ©moignage fleuve en annexe. Le courant seul nous le dira.

Avant de passer le pĂ©diluve et de s’immerger dans l’édition du jour, il faut que je te dise quelque chose – se voir en maillot de bain tous les deux mois, ça tisse des liens aprĂšs tout : j’ai enfin eu mon mĂ©moire. Incroyable mais vrai. Je suis diplĂŽmĂ©e. Pour tout t’avouer, lorsque j’ai vu l’ensemble de mes obligations pĂ©dagogiques tourner au vert, ma premiĂšre rĂ©action a Ă©tĂ© de me dire « ça y est, je suis adulte ». Comme si pouvoir inscrire un temps (mĂȘme minable) au chrono du diplĂŽme me donnait accĂšs au bassin VIP qu’est la vie de daronne. Manifestement, je n’étais pas la seule nageuse Ă  conceptualiser l’obtention de cette attestation ainsi puisqu’à l’annonce de cette nouvelle, moult de mes ami·es m’ont demandĂ© « alors, ça fait quoi d’ĂȘtre adulte ? »

Pourtant, sur la liste des prérequis pour prétendre au changement de catégorie, je me sens plutÎt en fin de classement.

Curieuse de savoir ce qui faisait passer un·e jeune espoir au grade de Master

2
, je me suis lancĂ©e dans un sprint natatoire sur le sujet. J’ai lu, Ă©coutĂ© des podcasts, demandĂ© Ă  la swimming team ce qu’iels en pensaient, Ă©changĂ© avec quelques Lifeguards 
 puis j’ai vrillĂ©. J’ai fini sur Tiktok Ă  interroger l’algorithme pour savoir dans quelles mesures « devenir adulte » et se retrouver la tĂȘte sous l’eau au moment venu Ă©tait monnaie courante. J’y ai dĂ©couvert – non sans surprise – que le hashtag #lavingtaine regroupe 528K de vues, celui #crisedelavingtaine 1,8M et celui #orientation 238M
3
. Soit. Les paumé·es sont donc légion dans la piscine.

Cette Plouf-letter tire donc le fil de cette serviette de coton pour plonger en bathyscaphe dans les méandres du devenir adulte.

(Si tu veux retrouver l’exercice du mois, citations et ploufcast sur le mĂȘme support, tu peux feuilleter ces pages d’À l’eau mag. Tu peux Ă©galement Ă©couter cette playlist made in la piscine sur le thĂšme de la vingtaine pour ambiancer ta lecture ou tes dimanches remise en question)

Accurate picture of mon arrivée dans la vie adulte

👋 On recrute des nouveaux nageur·ses. Tu veux rejoindre la  team ? c’est par ici 👇


đŸ€ż PĂ©diluve

cette plouf-letter est-elle faite pour toi ?

đŸ€šPour faire cet exercice, il te faudra lever six doigts. You’re good to read. À chaque affirmation dans laquelle tu te reconnais, abaisse un doigt.

  1. tu t'es posé des questions sur le sens de ta vie

  2. tu as déjà remis en question tes choix précédents

  3. tu n'es pas certain·e de la direction à prendre

  4. tu cherches à trouver un équilibre entre les injonctions sociales (mariage, enfants, scénic (ou multipla pour les plus swag)) et tes envies propres

  5. tu t’es dĂ©jĂ  demandĂ© « mais comment j’en suis arrivé·e lĂ  ? » sans pour autant savoir ce vers qu·o·i tu aimerais nager ensuite

  6. tu t’es dĂ©jĂ  dit que la vie de berger·e dans le Bergerac (on aime pas tous·tes l’Auvergne ok ?) ça pouvait ĂȘtre cool

Si tu as répondu « oui » à au moins une question, ajuste ton masque de plongée, cette édition va te parler !


🩑 Fais pas ta crise, retourne au bassin

il est (dĂ©jĂ ) venu le temps de l’étymo

« Nobody puts l’etymology in the corner » (pas) Patrick Swayze

Le terme crise vient du latin crisis, lui-mĂȘme empruntĂ© au grec ÎșρÎčσÎčς [krisis]. Il signifie « action ou facultĂ© de distinguer, de sĂ©parer, d'oĂč dissentiment, contestation, phase dĂ©cisive d'une maladie (pour Hippocrate) ».

Pour faire court, dans un rĂ©cit, la crise Ă©quivaut au moment oĂč l’on touche le creux de la vague avant de prendre la prochaine. Dans le langage commun, on a souvent tendance Ă  utiliser le mot catastrophe en lieu de crise. Pourtant, ces locutions certes similaires ne sont en rien synonymes. De fait, catastrophe a beau faire rĂ©fĂ©rence Ă  un renversement dans le dĂ©roulĂ© d’une histoire, son usage premier rĂ©servĂ© au domaine tragique teinte de noir ses dĂ©nouements.

Quand le tsunami de la crise te cueille en pleine session de nage

« Le temps linĂ©aire instaure [donc] une pression Ă  l'excellence, Ă  la rĂ©ussite et Ă  l'irrĂ©prochabilitĂ©. Il fixe un cadre dans lequel l'erreur n'est pas admise et s'avĂšre catastrophique lorsqu'elle est commise » Le culte de l’urgence : la sociĂ©tĂ© malade tu temps, Nicole Aubert

Parler de crise, c’est aussi parler de notre rapport au temps. Autrefois, les nageur·ses abordaient la temporalitĂ© sous le prisme cyclique – le mythe de l’Éternel Retour tu connais. Dans ce cas, recommencer la course, tester de nouvelles eaux et possiblement amĂ©liorer son chrono (bref, avoir accĂšs Ă  une deuxiĂšme chance) sont des options tout Ă  fait plausibles.

Aujourd’hui, notre vision du temps comme du progrĂšs sont pensĂ©es de maniĂšre linĂ©aire. Chaque nouvelle action effectuĂ©e, nouvelle technologie créée ou coup de palme donnĂ© se doivent de supplanter le prĂ©cĂ©dent. Pour Nicole Aubert, autrice, cette pression Ă  la performance encourage l’installation d’un environnement propice Ă  l’urgence et la crise. Sa discipline de prĂ©dilection est l’étude des entreprises. Mais l’essor du dĂ©veloppement personnel axĂ© sur la productivitĂ© intense couplĂ©e Ă  la possibilitĂ© de mesurer – et comparer – ses performances en continu transpose cette pression aux nageur·ses individuel·les.

Le temps linĂ©aire instaure donc une pression Ă  l'excellence, Ă  la rĂ©ussite et Ă  l'irrĂ©prochabilitĂ©. Il fixe un cadre dans lequel l'erreur n'est pas admise et s'avĂšre catastrophique lorsqu'elle est commise » Le culte de l’urgence : la sociĂ©tĂ© malade tu temps, Nicole Aubert

Si l’on a qu’une chance de rĂ©ussir, alors hĂ©siter, s’arrĂȘter, voire changer, c’est en quelque sorte s’auto-torpiller.

je vois, je vois, une crise existentielle

« Mon coloc m’a retrouvĂ©e en larmes devant mon ordinateur [
]. Il ne se passait rien, on avait juste annulĂ© une rĂ©union » Laura, Au bord du bassin

J’ai dĂ©couvert avec Bruce Fieler la notion de Lifequake (soit séïsme de vie) lors d’une de mes sessions d’entraĂźnement dans la piscine TED. Pour faire court, celui-ci compare chaque transition de vie Ă  des vagues avec lesquelles on compose dans notre trajectoire de nage. Selon le contexte et notre Ă©tat d’esprit du moment, le ressenti diffĂšre. Cela peut aller de la vaguelette inoffensive au tsunami. Ce dernier reprĂ©sente les crises existentielles qui viennent Ă©branler – voire engloutir – notre rĂ©fĂ©rentiel initial. Ces Lifequakes peuvent survenir de multiples maniĂšres : un dĂ©mĂ©nagement, un burnout, ou encore une arrivĂ©e (ou une sortie) dans le grand bain de la vie active.

La difficultĂ© principale de ces ruptures est que l’on ne peut prĂ©dire le moment oĂč elles auront lieu.

Laura, 26 ans, fait partie des nageur·ses qui ont dĂ©couvert la piscine par hasard, au dĂ©tour d’un ploufcastđŸŠâ€â™€ïž. AprĂšs quelques Ă©changes sur ses errances natatoires, celle-ci a acceptĂ© de passer derriĂšre le micro pour me confier ses questionnements introspectifs, amorcĂ©s par une crise professionnelle.

« Mon coloc m’a retrouvĂ© en larmes devant mon ordinateur [
]. Il ne se passait rien, on avait juste annulĂ© une rĂ©union ». C’est ainsi que Laura m’avait dĂ©crit, sourire dans la voix, l’épisode de son tsunami personnel : un burnout en pleine pandĂ©mie. Et, comme une vague scĂ©lĂ©rate n'arrive jamais seule, avait suivi la dĂ©couverte de son autisme. Pourtant, aussi bas qu’avait pu sombrer Laura, cette crise s’est finalement rĂ©vĂ©lĂ©e ĂȘtre une opportunitĂ© dans sa trajectoire. Tant concernant son changement de ligne d’eau – notre nageuse est dĂ©sormais prof de yoga et doula

4
en devenir – que concernant sa prise de recul – forcĂ©e – sur ses choix d’orientation antĂ©rieurs.


🩀pourquoi autant de pression sur la 20aine ?

tout change, c’est chaud

« une période d'insécurité, de doute et de déception entourant notre carriÚre, nos relations et notre situation financiÚre » la crise du quart de siÚcle selon Alex Fowke (Wikipedia).

Fut un temps oĂč l’on ne connaissait que la crise d’adolescence – la classique. Mais ça c’était avant. Depuis, la crise de la quarantaine a fait son apparition. Lors de cette crise, les athlĂštes en milieu de parcours (de vie) s’arrĂȘtent pour faire le bilan avant de repartir de plus belle – ou changer de ligne d’eau de maniĂšre radicale. Puis, avec l’allongement de l’espĂ©rance de vie, son pendant senior a dĂ©barquĂ© dans le bassin : la crise de la soixantaine (Qui n’a pas en tĂȘte l’image d’un·e sexagĂ©naire traversant une pĂ©riode de remise en question intense aprĂšs avoir rendu son peignoir au club pour lequel iel a nagĂ© quasi quarante ans de sa vie ?) . Bref, un joyeux bordel auquel ne manquait qu’un Ăąge : la vingtaine.

Avant d’étendre cette crise Ă  une dĂ©cennie, on Ă©voquait du bout de nos lĂšvres fripĂ©es par l’eau chlorĂ©e « le quart de siĂšcle ». Ce moment bĂątard du passage Ă  la vie adulte oĂč, Ă  l’image de la crise de la quarantaine, on fait le bilan sur nos trajectoires. Et ne nous mentons pas : c’est assez dĂ©routant de se dire que jusqu'Ă  ce passage en catĂ©gorie pro, nous n'avions pas vraiment eu de choix Ă  faire en propre Ă  part « Est-ce que je veux avoir de bonnes notes ? Et si oui, comment pourrais-je les obtenir ? » (Tim Urban). Si tu les avais oubliĂ©es, voici un Ă©chantillon des interrogations bien fun qui peuvent guider cette introspection :

  • Qu’ai-je donc accompli jusqu’ici ?

  • Ai-je fait le bon choix dans ma trajectoire ?

  • À quel niveau de prestige social suis-je ? (fiche de poste & salaire)

  • Quels sont mes objectifs pour les prochains 25 ans ?


. Le tout effectuĂ© sous le prisme de la comparaison grĂące Ă  la question bonus : « Et oĂč en sont les autres ? Ne serais-je pas en retard sur le chrono ? »

La quatriĂšme rĂ©volution industrielle numĂ©rique a créé un contexte oĂč rĂšgne l’incertitude. Ainsi, l’étude publiĂ©e par Dell & Institute of future en 2017 qui statuait que 85% des mĂ©tiers de 2030 n'existaient pas encore vient confirmer le fait que la sociĂ©tĂ© d’aujourd’hui prĂ©pare un monde qui advient simultanĂ©ment Ă  sa prĂ©paration. En anglais, ce nouveau contexte porte un nom depuis 1987 : VUCA. Cet acronyme pour le moins opaque signifie « Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu ». Bref, un rĂ©sumĂ© plutĂŽt efficace du monde actuel et des enjeux qu’il porte. Dans cet environnement, anticiper la trajectoire que prendront nos vies natatoires me paraĂźt aussi facile que de relier Ă  la nage la France aux États-Unis.

« Devenir adulte, ça prend 10 ans » Jean Viard pour Usbek & Rica

Et si contrĂŽler notre environnement semble difficile, que dire de nos parcours dans la piscine ? Selon PĂŽle Emploi, les prochaines gĂ©nĂ©rations Ă  entrer sur le marchĂ© du travail exerceront jusqu'Ă  15 mĂ©tiers diffĂ©rents. Dans son livre Un nouvel Ăąge jeune, le sociologue Jean Viard va mĂȘme plus loin. Il y associe l’accĂšs tardif au CDI et Ă  la stabilitĂ© professionnelle au recul du devenir adulte qu’il situe dĂ©sormais Ă  29 ans.

« Comment tu montres que tu es un adulte ? Tu fais un enfant, et tu prends un emploi stable. Or l’ñge auquel arrive le premier bĂ©bĂ© est aujourd’hui de 30 ans et 2 mois, et l’ñge moyen du premier CDI est de 29 ans. Tout ça, ça veut dire qu’on a fini ses Ă©tudes, ses aventures Ă©rotiques, culturelles, Ă  30 ans. De 16 Ă  26 ans, on a donc une pĂ©riode de 10 ans oĂč l’on est en apprentissage de l’ñge adulte » Jean Viard pour Usbek & Rica

À ce rythme, vouloir comparer son parcours Ă  celui d’autrui avec les mĂȘmes critĂšres que les nageur·ses en catĂ©gorie Master semble aussi absurde que dĂ©suet. Finis les dĂ©parts groupĂ©s chronomĂ©trĂ©s ! DĂ©sormais, le marathon de natation est en open et s’effectue en sas Ă©chelonnĂ©s. À chaque coureur·se de dĂ©finir sa propre notion de rĂ©ussite et ses instruments de mesure pour qualifier sa performance.

La vie c’est comme un multipla : ça peut ĂȘtre dĂ©cevant et c’est pas toujours aussi beau qu’on l’espĂ©rait une fois t·h·unĂ©e ©Vilbrequin. Et c’est lĂ  que survient la crise

à chacun·e sa trajectoire et les hippocampes seront bien gardés

Nous sommes en septembre. L’automne n’est pas encore arrivĂ© et il fait encore jour lorsque j’allume mon ordinateur pour l’enregistrement planifiĂ© Ă  18h30. J’attends quelques instants que Ralitsa, 26 ans, se connecte. Comme je l’ai fait il y a une quinzaine de minutes, elle a troquĂ© ses habits diurnes pour une combi molletonnĂ©e. Une fois installĂ©es devant nos micros respectifs – qui dans son salon et qui dans sa cuisine –, j’appuie sur rec, c’est parti.

L’ordre du jour est simple : les injonctions de la vingtaine.

Depuis 2020, Ralitsa a dĂ©cidĂ© de faire de cette dĂ©cennie sa discipline phare. Elle en parle rĂ©guliĂšrement dans sa piscine du phare ouest ; parfois seule, parfois en compagnie d’autres nageur·ses s’étant plongé·es dans le sujet.

Dans son discours, on peut entendre une forte volontĂ© de rassurer. Tu peux la lire ici ou bien l’écouter dans le dernier Ă©pisode du ploufcast đŸŠâ€â™€ïž

« Parmi les piĂšges de la vingtaine, je trouve qu’il y a le fait de se comparer sans cesse. Que ce soit aux personnes qui ont le mĂȘme Ăąge que nous, mais qui cochent toutes les cases qu’on attend d’elles, ou de se sentir dĂ©valorisé·e par rapport Ă  un parcours qu’on trouve admirable ou inspirant » Lifeguard, Ralitsa

« Ce que j’essaye de mettre en place tous les jours, c’est de m’écouter moi, de devenir la personne que j’ai envie de devenir profondĂ©ment et puis de travailler sur moi-mĂȘme sans chercher Ă  ĂȘtre la premiĂšre dans la course et la compĂ©tition qu’est la vie parce que finalement je trouve que c’est une image assez parlante. Il n’y a pas de trophĂ©e Ă  la fin, du moins je ne pense pas » Lifeguard, Ralitsa

Le message est clair : Ă  chacun·e sa cadence, son historique d’entraĂźnement, ses objectifs et son tracĂ©. Les critĂšres d’évaluation, aussi personnels et complexes, rendent la comparaison des chronos aussi absurde que lunaire. Au fond, ceci me rappelle l’adage partagĂ© par GaĂ«lle Au bord du bassin : « ce n’est pas parce qu’on n’est pas assis·es Ă  la mĂȘme table que ton parcours n’a aucune valeur ».

In fine, c’est en se recentrant sur soi que l’on apprend Ă  apprĂ©cier sa discipline et ses progrĂšs.

l’ñge de tous les possibles et de toutes les transitions. quelle pression

« Jusqu’à trente ans, j’en ai la certitude, ma jeunesse triomphera de tout, dĂ©senchantement, dĂ©goĂ»t de vivre, etc. Souvent je me suis demandĂ© s’il y avait au monde un dĂ©sespoir capable de vaincre en moi ce furieux appĂ©tit de vivre, inconvenant peut-ĂȘtre, et je pense qu’il n’en existe pas, avant mes trente ans, tout au moins » Les frĂšres Karamazov, DostoĂŻevski (Ivan Ă  Aliocha)

À l’image de la pĂ©riode d’insouciance, de croissance et de progrĂšs surnommĂ©e les « Roaring twenties

5
» dans les États-Unis d’aprĂšs-guerre, on a souvent tendance Ă  fantasmer la vingtaine sous cet angle. Un Ăąge de « bĂȘtises » Ă  gogo oĂč responsabilitĂ©s ou problĂšmes physiques font office de lĂ©gendes.

« En plein dans la vingtaine, j'ai l'impression que c'est maintenant ou jamais » L’espoir meurt en dernier, Georgio

Pourtant, cet ocĂ©an des possibles peut paralyser, car comment [bien] choisir lorsque tout semble accessible ? Cette pression sous-jacente est d’autant plus prĂ©gnante que la vingtaine s’apparente Ă©galement dans nos esprits Ă  une dĂ©cennie fondatrice du reste de nos vies dans la piscine. Somme toutes, la vingtaine, c’est l’ñge de tous les paradoxes oĂč l’on navigue Ă  vue, le cul entre deux maillots entre le besoin de :

  • savoir oĂč tu vas de maniĂšre claire tout en profitant de ta jeunesse #oneplouf

  • te stabiliser tout en gardant tes possibles ouverts

  • en apprenant Ă  poser tes limites et prendre soin de ta santĂ© mentale tout en te donnant Ă  fond pour rĂ©ussir ta vie

  • Ă  tester de multiples disciplines et lignes d’eau tout en construisant un parcours cohĂ©rent pour ne pas effrayer tes futurs clubs de nage lors de recrutements

Quelques nageur·ses m’ont partagĂ© leur sentiment sur ce sentiment d’entre-deux avec lequel iels composent parfois :

« « Fin de vingtaine c’est ça le plus dur je trouve : faire des gosses, rĂ©ussir son diplĂŽme et commencer Ă  gagner de l’argent 😱, en bref trouver « sa voie » et « construire sa vie » » un·e nageur·se anonyme

« Je suis au chĂŽmage depuis dĂ©cembre. Je t’avoue que c’est une pĂ©riode dĂ©licate, mitigĂ©e entre la peur de ne pas retrouver un emploi et ne pas rĂ©ussir mon projet d’entrepreneuriat, et cette sensation de bien-ĂȘtre de pouvoir prendre du temps pour soi sans les exigences imposĂ©es par la sociĂ©tĂ© » Marie

Pour Baptiste, 23 ans, jeune diplĂŽmĂ© d’une Ă©cole d’art vivant et nageur assidu, cet impĂ©ratif Ă  devenir autonome, responsable et adulte est accentuĂ©e par le couperet des 26 ans, Ăąge Ă  partir duquel l’on renonce Ă  plusieurs de nos privilĂšges – dont tgvmax, qui a lancĂ© la discussion en bord de ponton.

« Ça donne l’impression qu’avant tout est ouvert, les entreprises nous disent « c’est bon les gars venez, c’est gratuit ». Et lĂ  Ă  26 ans, bam les portes se ferment et tu comprends que ça y est, t’y es. C’est fini, tu dois faire de la tune » Baptiste

Pour Ralitsa, notre Lifeguard du mois, se (re)trouver est passĂ© par une pĂ©riode de (dĂ©s)apprentissage de la conception de rĂ©ussite d’une part, mais aussi de l’importance que peuvent avoir la passion, la compĂ©tition et le travail dans sa pratique de la natation.

« La rupture ça a Ă©tĂ© quand j’ai Ă©tĂ© diplĂŽmĂ©e parce que d’un coup je suis sortie de la bulle qu’était la voie toute tracĂ©e des Ă©tudes, celle oĂč on rĂ©flĂ©chit toujours Ă  l’étape d’aprĂšs, au diplĂŽme, au rendu etc. lĂ , il n’y a plus tout ça, une fois que tu as fini ta journĂ©e de travail, tu es toi. la question c’est : qui es-tu vraiment ? » Lifeguard, Ralitsa

« Aujourd’hui c’est quelque chose que j’ai appris Ă  faire et que j’espĂšre pouvoir continuer Ă  faire : distinguer le moi du travail et le moi du temps libre oĂč j’ai le temps d’apprendre Ă  me connaĂźtre, d’explorer toutes ces choses. » Lifeguard, Ralitsa

Car grandir, c’est questionner son rĂ©fĂ©rentiel initial pour (re)construire ses propres balises.

l’ñge de l’émancipation

« Papa, maman, finis les brassards, je me jette Ă  l’eau »

(DĂ©)construire. Une thĂ©matique fort dans le courant de nos jours. Pourtant, ici, on va surtout parler socialisation. Lorsque l’on est jeune espoir, notre premier rapport Ă  l’eau s’effectue dans le cercle familial. C’est lui qui nous familiarise Ă  certaines disciplines, habitudes de nage, et accompagne notre progression dans le bassin. C’est fort·es de cette socialisation primaire que l’on traverse la premiĂšre partie de notre existence. Bien souvent, on commence notre trajectoire en imitant leur style de nage sans sourciller – dans sa PoĂ©tique, Aristote

6
mentionnait cette étape fondatrice dans la construction individuelle des jeunes espoirs.

L’école puis l’arrivĂ©e dans le grand bain constituent divers environnements oĂč notre rĂ©fĂ©rentiel initial est questionnĂ© – en fonction des personnes que l’on rencontre, des valeurs que l’on nous transmet, des situations auxquelles nous devons faire face, etc.

Ces mises en situation successives nous font changer de prisme pour devenir sujet de notre trajectoire de nage – puisque l’on endosse de nouvelles responsabilitĂ©s en prenant des dĂ©cisions structurantes – et non plus objet.

Cette crise, bien qu’essentielle, peut reprĂ©senter une fracture identitaire – on s’éloigne d’un rĂ©fĂ©rentiel pour s’orienter vers un nouveau. Bien que parfois difficile Ă  vivre, la transition qu’est la vingtaine peut amener dissensions, remises en question profondes
 pour mieux trouver bassin Ă  son image ensuite.

quid d’un projet politico-social ?

« Le rĂŽle que, de l'AntiquitĂ© Ă  nos jours, toutes les utopies politiques prĂȘtent Ă  l'Ă©ducation, montre bien combien il paraĂźt naturel de vouloir fonder un nouveau monde avec ceux qui sont nouveaux par naissance et par nature. » Hannah Arendt, La crise de l’éducation

Aujourd’hui, la vitesse Ă  laquelle notre monde Ă©volue rend la tĂąche Ă©ducative plus difficile, mĂȘme quasi impossible au vu de l’inertie du systĂšme Ă©ducatif actuel. Nous nous efforçons de transmettre des mentalitĂ©s, modes de vie, visions de carriĂšre surannĂ©s alors que tout est fluctuant 


Pour certain·es comme le sociologue Jean Viard, (re)penser l’éducation et la transition à l’ñge adulte devient une urgence contemporaine. Pour lui, la rĂ©ponse est avant tout politique afin de construire un demain oĂč chacun·e trouvera sa place et Ă©viter, comme l’a mentionnĂ© un·e nageur·se, le sentiment d'avoir Ă©tĂ© « littĂ©ralement catapulté·e dans la vie d'adulte ».

« Il faut penser un projet du devenir-adulte qui soit celui de la sociĂ©tĂ© oĂč nous sommes entrĂ©s, et non un projet pour la sociĂ©tĂ© d’hier » Jean Viard Un nouvel Ăąge jeune ?

Mais alors, comment faire ?


👀 so what ?

chill out

À chaque fois que je rencontre d’autres nageur·ses, j’ai cette fĂącheuse tendance Ă  leur parler crise existentielle. 8 fois sur 10, vingtenaire ou non, c’est une expĂ©rience que l’on a en commun. Alors lĂąchons nous les bonnets de bain et parlons-en autour de nous.

« On est tellement nombreux ·ses Ă  ĂȘtre perdu·es, je crois mĂȘme que c'est sain de l'ĂȘtre et de se poser 3 milliards de questions aujourd'hui 🌚 Moi c'est un peu la crise existentielle. Mais c'est cool j'aime bien me triturer le cerveau je crois. Le passage a CDI ou tu as l'impression que tu signes pour les 30 prochaines annĂ©es de ta vie alors que pas du tout » Nadia

« On passe 25 ans - soit la moitiĂ© de notre vie adulte – en transition. Et ne vous y trompez pas : ces annĂ©es ne sont pas uniquement concentrĂ©es au milieu de notre existence. Certaines personnes sont venues au monde dans un séïsme existentiel, et certain·es d’entre nous en traversent pendant leur vingtaine et leur soixantaine» Bruce Fieler pour TED

« Y'a pas de manuel. On est tellement singulier·es, toute la sociĂ©tĂ© de l’image et des rĂ©seaux sociaux essayent de nous enlever votre singularitĂ© je trouve. En essayant de nous mettre dans une case, en essayant de justement nous faire ressembler Ă  un type de personne qu’on peut Ă©tiquetter » Lifeguard, Ralitsa

concrùtement, tu peux
.

« Il est essentiel que vous ne traversiez pas ces transitions. Partagez votre expĂ©rience avec vos pairs – vos ami·es, votre conjoint·e, un·e collĂšgue ou mĂȘme un·e inconnu·e » Bruce Fieler pour TED

Tu n’as quand mĂȘme pas cru que j’allais quitter le bassin sans te donner quelques pistes pour faire face Ă  une crise ! Voici quelques sages conseils tirĂ©s de la communautĂ© des nageur·ses sur Instagram sur la gestion d’épisodes anxieux 👇

« Faire des choses qu’on aime sans vouloir absolument rĂ©soudre son anxiĂ©tĂ©, enlever le trop plein de son agenda et accepter. Accepter et se dire que ça va passer »

« Beaucoup beaucoup de cinéma et de livres »

« Ne pas rester seul et se tourner vers des gens bienveillant·es pour en parler »

« Parler à ses proches de confiance pour extérioriser, parfois on sur-dramatise ses propres pensées »

« Ne pas planifier sa vie au-delà de six mois »

Si tu en as d’autres en tĂȘte, tu peux me rĂ©pondre par email ou sur Instagram, je partagerai avec grand plaisir !


🛠 Quelques ressources avant de se quitter

👉  Le dernier Ă©pisode de PloufđŸŠâ€â™€ïž avec Ralitsa que tu as pu lire dans cette Ă©dition

👉 Une playlist Ă  Ă©couter sur le thĂšme de la crise de la vingtaine (made in la piscine tmtc)

👉 Une fiche exercice pour t’aider Ă  travailler ta posture de nageur·se paumé·e, one coupe de palme Ă  la fois

👉 L’édition en mode mag. Si tu veux l’imprimer (recto-verso), la plier et la distribuer autour de toi, la voici Ă©galement en format PDF (A3)

👉 Le paradoxe du choix (rĂ©sumĂ©) de Barry Schwartz pour t’aider Ă  relativiser tes choix et la direction que prend ta trajectoire de nage ou ce post sur le compte Instagram de la piscine qui rĂ©sume le rĂ©sumĂ© susmentionnĂ©

👉 L’édition de la plouf-letter « Orientation e(s)t roman d’apprentissage »

👉 La liste de l’ensemble des sources utilisĂ©es pour cette Ă©dition est dispo ici aux normes APA


Ça t’a plu ? Fais passer le mot !

Share Our Millennials Today

👉 Cette Ă©dition a rĂ©sonnĂ© avec ton expĂ©rience de nageur·se ? Envoie moi un email si tu souhaites tĂ©moigner

👉 Tu ressens le besoin d’ĂȘtre accompagné·e dans ta rĂ©flexion professionnelle ? Tu peux aller faire un tour du cĂŽtĂ© du shop de La piscine ou m’envoyer un email pour Ă©changer sur tes besoins

👉 Tu fais partie d’une structure Ă©ducative / entreprise et ces sujets d’orientation / quĂȘte de sens animent vos Ă©quipes ? Envoie moi un email (hello@thewhy.xyz) si tu veux que l’on en discute ensemble


À trùs vite pour un nouveau plongeon 🐋

Apolline

Tu peux aussi nous retrouver sur instagram : https://www.instagram.com/ourmillennialstoday/

1

J’ai nommĂ© l’emlyon BS

2

Un·e nageur·se senior (25 ans donc oups)

3

Ces données ont été prises sur TikTok le 12/10/2022

4

« Le mot “doula”, du grec ancien, est utilisĂ© aujourd’hui dans le domaine de la pĂ©rinatalitĂ©, pour nommer une femme qui a pour vocation d’aider une autre femme et son entourage pendant la grossesse, l’accouchement et la pĂ©riode postnatale, grĂące Ă  son expĂ©rience et Ă  sa formation » source : doulas.info

5

« Les années folles » en français

6

Ce fameux maĂźtre-nageur antique fort reconnaissable Ă  sa toge dans la piscine

1
Share
Previous
Next
Comments
Top
New
Community

No posts

Ready for more?

© 2023 Apolline Rigaut
Privacy ∙ Terms ∙ Collection notice
Start WritingGet the app
Substack is the home for great writing