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La honte - Comparer

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La honte - Comparer

Couvrez d'une serviette cette situation que je ne saurais voir

Apolline 🐋
Dec 23, 2021
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La Plouf-letter Our Millennials Today est un espace oĂč l'on parle orientation et quĂȘte de sens sur fond de sociologie et mauvais jeux de mots. AthlĂšte confirmé·e ou newbie en brassards, bienvenue 🎣

Tu verras, ici on Ă©voque beaucoup le monde de la natation pour faire rĂ©fĂ©rence au fait de se lancer « dans le grand bain » Ă  l’ñge adulte. La piscine, c’est le monde – du travail le plus souvent. Le couloir de nage, c’est la voie que l’on choisit. Les diffĂ©rentes techniques de nages, les paliers que l’on passe. Enfin, les nageur·ses sur la planche ou dans le bassin, ce sont les personnes qui, comme toi et moi, sont en quĂȘte de sens. Si besoin, tu peux consulter ce lexique natatoire !

Tu peux aussi

  • Plonger dans le carnet de jeu À l’eau pour lancer ton introspection

  • DĂ©couvrir le programme introspectif La culbute pour apprendre Ă  te connaĂźtre et tracer ta voie

  • Suivre La piscine sur Instagram ou Linkedin

  • T’abonner Ă  la Ploufletter si on t’a transfĂ©rĂ© cette Ă©dition

Sur ce, bonne sĂ©ance 🐋


🐟 Avant le plongeon

Coucou toi, comment vas-tu en cette fin d’annĂ©e ? Pas trop Ă©puisé·e ? J’espĂšre que tu as prĂ©vu de prendre une pause – essentielle pour reposer tes muscles aprĂšs 52 semaines de natation – et Ă©viter le surentraĂźnement. De mon cĂŽtĂ© j’avoue ĂȘtre sortie de l’eau il y a quelque temps pour cause de frilositĂ© intense. Je t’écris d’ailleurs cette Ă©dition un peu particuliĂšre en direct du sauna oĂč la tempĂ©rature est plus clĂ©mente qu’en eaux libres. D’une certaine maniĂšre, cet endroit cosy me rassure, d’autant plus que j’aborde ici un thĂšme avec lequel je ne suis pas du tout Ă  l’aise.

Pour tout te dire, j’en suis au point oĂč je ne me suis mĂȘme pas relue. Je sais, la honte

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.

Ready? Fasten your bouĂ©e, we’re about to take off đŸŠâ€â™€ïž

Accurate picture of me débarquant en 2022

👋 On recrute des nouveaux nageur·ses. Tu veux rejoindre la team ? c’est par ici 


🩑 « But did you make the best out of 2021? »

La productivité toxique, tu hors de ma vue

Cette phrase, je l’entends, la lis, la vois [rayer la mention inutile] partout en ce moment. Autant que la masse de calendriers de l’avent sous lesquels mes feeds croulent. J’ai beau savoir que l’intention est bonne pour la plupart – c’est parfois dur de savoir si on a Ă  faire Ă  des fleuxeur·ses ou non –, ces posts me font souvent ressentir une forme de culpabilitĂ© ; voire mĂȘme un soupçon de honte avec lesquelles je ne suis pas du tout Ă  l’aise. Je pense que la culpabilitĂ© ne provient pas de la comparaison de nos vĂ©cus ou de nos planifications d’annĂ©e

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, mais surtout de l’injonction Ă  la productivitĂ© que ces contenus vĂ©hiculent. J’ai la mauvaise impression que le bilan annuel est devenu un poncif dans le marronnier social media.

Pour ĂȘtre honnĂȘte, je n’aime pas du tout cette banalisation. Ça me donne la mauvaise impression que le reste de l’annĂ©e n’est pas censĂ© ĂȘtre introspectif et que dĂ©cembre / janvier sont les seuls mois oĂč le reset est possible, les 10 mois restants Ă©tant rĂ©servĂ©s Ă  l’application de nos plans prĂ©-Ă©tablis. Peu pratique si l’on convient qu’il existe toujours un Ă©cart entre ce que l’on se souhaite et ce que l’on vit
 J’ai donc balayĂ© d’un revers de palme la perfection des plans pour revenir Ă  mes hypothĂšses de vie prototypables Ă  potentiel d’angoisse rĂ©duit. 

En revanche, je n’arrivais pas Ă  comprendre d’oĂč venait ma honte. C’est donc ce sentiment que j’explore aujourd’hui en toute improvisation et (im)pudeur. J’espĂšre que ça te plaira. Et plus que jamais, je t’invite Ă  me rĂ©pondre si le sujet te parle histoire de me sentir moins seule au bord de l’eau.



🐚 yol’eau mais pas trop

Avec cette Ă©dition – et comme souvent – la Ploufletter part Ă  la dĂ©rive pour se laisser porter par le courant maritime. PlutĂŽt pratique pour une introspection puisqu’en cette pĂ©riode les plages sont vides. Beaucoup prĂ©fĂšrent la raclette Ă  la dinguerie ou la sinusite – normal –, laissant les eaux libres

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aux nageur·ses paumé·es en apesanteur.

Je suis de celleux-lĂ , en combi, Ă  flotter dans mes pensĂ©es en vrac. Parfois je m’(y) abyme, comme en cette pĂ©riode de fin d’annĂ©e oĂč la cadence de nage s’accĂ©lĂšre, rythmĂ©e par les « did you make the most out of 2021 ? », « as-tu planifiĂ© ton annĂ©e 2022 ? », et autres « choisiras-tu de devenir enfin qui tu es l’an prochain ? » scandĂ©s par certain·es athlĂštes. Cette injonction Ă  la productivitĂ©, pas moyen d’y Ă©chapper ; ce, quelque soit le rĂ©seau
 Le bassin est un petit monde – que veux-tu. Pourtant cette annĂ©e, j’ai beau les entendre, rien ne (se) passe. Pas d’accĂ©lĂ©ration ou de crampe Ă  l’horizon, et,  à les entendre mon esprit se vide. Étonnant car, y a quelques mois, j’aurais Ă©tĂ© prise de honte en lisant tout ça au vu de ma trajectoire de nage hasardeuse. Une honte insidieuse, mais pourtant bien prĂ©sente. Car s’il y a bien une Ă©motion qui a marquĂ© mon annĂ©e, c’est celle-ci.

La honte.

En premier lieu, celle d’annoncer à ma famille que moi aussi j’entamais mon drift

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sur l’autoroute de la vie. De leur dire que je ne cherchais pas de cdi. De voir l’incomprĂ©hension dans leurs yeux – puisqu’aprĂšs tout, la suite logique de mes stages de perfectionnement technique Ă©taient l’obtention d’un diplĂŽme et d’un emploi stable. Puis, j’ai compris que quelque chose clochait lorsque j’ai senti mes parents rĂ©ticents – et, je crois, gĂȘnĂ©s – Ă  l’idĂ©e de partager mes pĂ©ripĂ©ties natatoire Ă  leurs ami·es. Je me souviens que cet Ă©tĂ©, l’un·e d’entre elleux m’avait cueillie en sortie d’entraĂźnement pour me parler de sa propre difficultĂ© Ă  suivre le changement de bassin de son enfant advenu il y a quelques annĂ©es. Pourtant, aprĂšs avoir dĂ©rivĂ© quelques mois dans la piscine de l’adulescence, celui/celle-ci s’était trouvé·e.

« Ça faisait plus de neuf mois qu’iel cherchait. Les offres se faisaient de plus en plus rares, ça commençait vraiment Ă  nous inquiĂ©ter. Un jour on lui a fait une proposition de cdi qu’iel a refusĂ© sous prĂ©texte que le poste Ă©tait en-dessous de ses compĂ©tences et prĂ©tentions salariales. Je me souviens que ça m’avait mis·e en colĂšre sur le moment. J’avais mĂȘme appelĂ© son rĂ©fĂ©rent carriĂšre pour avoir son point de vue sur la chose. Il m’avait rassuré·e me disant qu’iel avait effectivement eu raison de refuser le poste pour ne pas ĂȘtre bloqué·e dans ses Ă©volutions futures. C’est difficile de comprendre puisque c’était diffĂ©rent Ă  notre Ă©poque, que les trajectoires changent, mais je me suis rangé·e Ă  son avis. Et iel a acceptĂ© un autre poste peu de temps aprĂšs qui correspondait mieux Ă  ses envies.

Aujourd’hui encore on a du mal Ă  comprendre certaines de ses dĂ©cisions – comme sa dĂ©mission –, mais on s’accroche. »

Je me souviens avoir senti dans son rĂ©cit la mĂȘme incomprĂ©hension que mes parents devant ma trajectoire et, en fond, la mĂȘme gĂȘne de (se) dire que, malgrĂ© tout, son enfant avait failli à suivre « la voie royale » comme ses co-athlĂštes. Aucun signe avant-coureur n’aurait pu prĂ©voir ce drift. Et c’est bien cette fosse ocĂ©anique entre leurs attentes et la rĂ©alitĂ© qui ont engendrĂ© ce sentiment.

ft. mes parents en plouf position, cc les memes désorientés

Ma honte, c’est aussi le fait d’ĂȘtre quasi la seule entre deux bassins Ă  travailler sur « un projet », nageuse Ă  la traĂźne dans mes groupes de potes vĂ©tĂ©ran·es. Parmi iels, certain·es avancent Ă  cadence soutenue, gravissant les Ă©chelons de leurs club de nage – aprĂšs 2 ans d’adhĂ©sion c’est logique. D’autres, las·ses de leur premiĂšre·s expĂ©rience·s changent de trajectoire pour affiner leur style de nage tandis que les dernier·es continuent d’avaler des kilomĂštres sans faiblir de rythme. J’avoue qu’il m’arrive d’envier la fluiditĂ© de leur traversĂ©e avant de me souvenir de mon mal-ĂȘtre en entreprise.

Sympa comme impasse. 

Depuis, j’ai compris que chacun·e avançait Ă  son rythme dans le marathon natatoire de la vie, (dĂ©)construisant ses acquis ou ses avancĂ©es. La pause ou le vide perçu n’en sont qu’une Ă©niĂšme Ă©tape mais pu**ain ce que c’est dur de se l’approprier. J’apprends dĂ©sormais Ă  aborder avec douceur et indulgence nos trajectoires respectives, et ce en majeure partie grĂące Ă  la joyeuse bande de nageur·ses que nous sommes dans ces eaux 🩀


🐙 mais c’est quoi la honte ?

LE meilleur moment is back

Tu ne croyais pas que j’allais te laisser terminer l’annĂ©e sans Ă©tymologie ? J’avoue que cette fois j’ai eu du mal Ă  trouver quelque chose dans le Gaffiot mais qu’à cela ne tienne, watch me me perdre dans les mĂ©andres du vieux françois et Ă©chouer sur le Dictionnaire Étymologique de l’Ancien Français

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.

Le terme honte est un dĂ©rivĂ© de hunte qui, dans les chansons de geste comme La chanson de Roland signifie « dĂ©shonneur » – rien que ça. Il y a donc, dans la honte, une notion d’ego qui s’infiltre, voire mĂȘme d’humiliation. Avoir honte, c’est se sentir dĂ©pouillé·e d’un acquis pour lequel on a dĂ»ment travaillĂ© – ou non d’ailleurs. Cela peut aller de l’impression ne pas avoir une aĂ©rodynamique optimale, au regret de ne pas avoir choisi le couloir de nage le plus avantageux, toujours dans un esprit de comparaison. Dans le cadre de l’orientation, on pourrait parler de l’étiquette d’excellence accolĂ©e Ă  certains noms de formation ou, plus tard, de celui que l’on lie (plus ou moins consciemment) Ă  l’intitulĂ© de poste. Ce qui expliquerait d’une certaine maniĂšre notre peur de rĂ©trograder en culbutant comme je l’évoquais dĂ©jĂ  ici ou Laura dans cet Ă©pisode de PloufđŸŠâ€â™€ïž. Le plus Ă©trange, c’est que la honte n’est pas individuelle. Le dĂ©shonneur – notamment dans la chanson de geste – se ressent collectivement, presque comme un Ă©chec de n’avoir pas su transmettre certaines valeurs ni remplir certaines obligations.

RĂ©flexion faite, je crois que je perçois la honte comme le sentiment qui Ă©merge lorsqu’un fossĂ© se creuse entre l’athlĂšte que nous sommes et l’athlĂšte que l’on se reprĂ©sente – ou que l’on « devrait ĂȘtre » – socialement. C’est ce que l’on ressent lorsqu’on part Ă  la dĂ©rive hors du peloton de nage – auquel on aimerait appartenir de nouveau. Une partie de moi lie beaucoup cette Ă©motion Ă  la pudeur, en relation avec le pĂȘchĂ© originel oĂč Adam et Ève se couvrent une fois sorti·es de l’ignorance. Comme s’il Ă©tait nĂ©cessaire de couvrir d’une serviette de bain pudique sa situation dĂšs lors qu’elle s’écarte des lignes de nage les plus empruntĂ©es. Dans mon cas, cela s’est souvent traduit par la paraphrase – « je termine mon mĂ©moire de fin d’études » – cuisinĂ©e Ă  toutes les sauces. Crois moi, ceci m’a servi de bouĂ©e de sauvetage plus d’une fois, m’évitant de dĂ©velopper ma situation natatoire Ă  chaque nouvelle rencontre. Et ce jusqu’à rentrer de nouveau « dans la norme » il y a peu, ce qui me permet d'effectuer une nouvelle pirouette – le fameux « je suis freelance » –, cachant une rĂ©alitĂ© certes toujours paumĂ©e, mais aux sonoritĂ©s plus adultes. Malin. Mais hautement rĂ©vĂ©lateur de notre besoin de mettre les athlĂštes dans une catĂ©gorie – et donc d’appartenir Ă  l’une d’entre elles pour se sentir lĂ©gitime. Cette question du statut – et de l’imaginaire social que l’on y associe –, Sarah en parlait justement dans son Ă©pisode de Lifeguard. Elle m’y confiait sa peur d’ĂȘtre « entre deux jobs », de ne « rien » faire / ĂȘtre aux yeux des autres, allant mĂȘme jusqu’à changer de nom dans un premier temps pour cacher sa culbute Ă  son entourage. 

Enfin, plus j’y rĂ©flĂ©chis, plus je me demande si le fait d’avoir une infinitĂ© de choix – et de moyens d’en observer les consĂ©quences directes via internet – n’influence pas notre besoin accru de comparer nos dĂ©cisions respectives. Et donc, potentiellement, de les regretter et d’engendrer un sentiment de mal-ĂȘtre concernant nos propres choix
 alimentant la honte dont je te parlais au dĂ©but. C’est en tout cas une pensĂ©e qui m’a traversĂ©e en lisant Barry Schwartz dont j’ai rĂ©sumĂ© les propos sur instagram et le site Our Millennials Today 👇

pour te plonger dans le résumé c'est ici


👀 so what?

Plus que d’habitude j’ai envie de te rĂ©pondre « je ne sais pas » puisque cette Ă©dition est finalement assez personnelle. Je la clĂŽturerai donc comme je l’ai commencĂ©e : en te racontant ma life.

Dans mon cas, la honte s’est estompĂ©e dĂšs lorsque j’ai trouvĂ© mon swimming crew. Du moins je commence – tu sens le shoutout ? À coup de verres post-entraĂźnement, mails ou messages rĂ©guliers entre deux longueurs. Ce club de nage m’a permis de mieux apprĂ©hender ma vie natatoire, comme une bouffĂ©e d’air entre deux brasses. GrĂące Ă  toi – qui, en bande synchronisĂ©e donne un « vous » plutĂŽt badass –, j’ai compris que la notion de norme et de honte n’étaient qu’une question de point de vue. La preuve Ă©tant, il y a peu, quelqu'un s’est excusĂ© de n’avoir qu’« un parcours classique ». Funny puisque je me sentais moi-mĂȘme gĂȘnĂ©e du fait de lui dire que ma trajectoire de nage n’était ni fluide ni linĂ©aire Ă  l’image de la sienne. WTF. 

Quoiqu’il en soit, merci. Merci de m’accompagner dans ce marathon. Merci de donner sens – et continuitĂ© – Ă  mes questionnements psychosociaux continuels. De nos rencontres si riches au bord du bassin. Je te souhaite une annĂ©e 2022 aux eaux aussi belles que tumultueuses. Mais toujours en crew. Si tu cherches de nouveaux·elles potes de nage, envoie moi un email (ou rĂ©ponds Ă  celui-ci), il y a forcĂ©ment un·e athlĂšte dans le club qui sera ravi·e d’échanger avec toi 🐋

allez, bisous.


🛠 Quelques ressources avant de se quitter

Je te mets mes ressources pour une fois (surtout que je les ai rĂ©cemment mises Ă  jour, pourquoi s’en priver ?)

👉 L’archive des contenus Our Millennials Today

👉 La version pimpĂ©e de la toolbox de l’orientation (les suggestions des membres de la communautĂ© sont prĂ©cĂ©dĂ©es d’un petit emoji đŸŠâ€â™€ïž)

👉 La culbute, le programme pour explorer ta relation au changement

👉 Et le dernier-nĂ© – en test : le programme Équipe ta piscine pour parler branding au bord de l’eau

👉 Si tu es curieux·se de dĂ©couvrir mes autres Ă©crits, rdv sur mon site perso oĂč je parle des coulisses du projet, design thinking et autres joyeusetĂ©s


Ça t’a plu ? Fais passer le mot !

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Tu veux jaser sur ton parcours pro / ton vécu en études ? Rendez-vous sur Linkedin, insta ou via mail (hello@thewhy.xyz)

Tu as un peu de temps pour me faire un retour sur cette Ă©dition et/ou un outil Ă  me partager ? PLEASE DO, pour la prise de contact c’est au-dessus ☝


À trùs vite pour un nouveau plongeon 🐋

Apolline
1

lol

2

La planifica
what?

3

Dis moi que tu as repĂ©rĂ© le bad pun 👀

4

Toujours sans permis, je te laisse imaginer la prise de risque

5

C’est par ici pour faire comme moi

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